En cette saison 1922-1923, le Stade Malherbe réalise un bon début de championnat de division d’honneur de Basse-Normandie. Mais c’est en Coupe de France que le club va s’illustrer. Après avoir éliminé le Sporting-Club de France 8-0 à domicile, puis le grand rival régional de la Stella de Cherbourg 4-2, il tombe en 32e de finale contre l’Olympique de Paris. Ce nom ne vous dit pas grand chose mais, à la sortie de la Première guerre mondiale, il était prestigieux. Fondé en 1895 sous le nom d’Olympique de Pantin, il devient l’Olympique de Paris en 1918 et compte à son palmarès la première Coupe de France en 1918 (et deux finales perdues en 1919 et 1921) et le championnat de Paris en 1921. Dans ses rangs, on compte un nombre impressionnant d’internationaux français dont l’attaquant Jules Dewaquez (capitaine de l’équipe de France) et le gardien de but Maurice Cottonet (futur entraîneur du Stade Malherbe en 1936-1937).
L’attrait pour cette affiche est partagé par tous les amateurs du ballon rond en Basse-Normandie car le club reçoit à son siège des demandes venant de toute la région. Du coup, des préventes sont mises en place et elles partent comme des petits pains ! Ce dimanche 3 décembre 1922, c’est près de 2 500 personnes qui garnissent les tribunes du stade de Venoix, la recette pour le club est de 4 000 francs, un record ! Le journal de Caen note que : « dans toute la région, on s’est passionné par ce great event : beaucoup de fanatiques de Cherbourg, Saint-Lô, de Coutances, de Lisieux, Bayeux, Flers, etc. avaient fait le voyage. Les tramways chargés de grappes humaines se succédèrent sans arrêt pendant une heure et demie dans la rue Caponière et l’entrée du parc de Venoix était encombrée de voitures automobiles ».
Malgré la différence de niveau, les deux équipes font jeu égal durant les 25 premières minutes et se créent des occasions. Mais c’est sur un corner que l’Olympique de Paris ouvre le score d’une belle tête de Stutler juste sous la barre du gardien malherbiste André Brière. Après ce but, les Parisiens ferment un peu le jeu et attendent les Caennais. Mais c’est pourtant l’Olympique qui double la mise un peu avant la mi-temps par un « beau jeu de passes » conclu par Darques. A la mi-temps, les Caennais qui n’ont pas démérité ne sont pas récompensés de leurs efforts.
La seconde mi-temps repart sur les chapeaux de roue côté parisien, les attaques se multiplient et le gardien Brière réalise plusieurs exploits. Mais sur une contre-attaque caennaise, la défense parisienne a du mal à dégager. Sur le corner qui suit, Eugène Maës reprend le centre et bat Maurice Cottenet mais la balle est touchée de la main par son partenaire Stutler avant qu’elle ne franchisse entièrement la ligne de but. L’action est confuse et les deux équipes se tournent vers l’arbitre qui accorde un penalty pour Caen. C’est Marcel Leperlier qui est chargé de le tirer. C’est une lourde responsabilité face au meilleur gardien français de l’époque. Il ne se décourage pas et arrive à placer le ballon hors de portée de Cottonet. Le but est accueilli par un tonnerre d’applaudissements de la part du public caennais.
Les Parisiens ne se laissent pas abattre et se remettent à attaquer, notamment sur le côté gauche. Sur un corner, l’attaquant vedette Dewaquez arrive à placer sa tête et l’Olympique reprend le large 3-1. Il reste alors 30 minutes au stade Malherbe pour tenter de revenir au score. Après un corner parisien, le milieu caennais arrive parfaitement à remonter le ballon, André Delarette centre et le vétéran Maës contrôle parfaitement le ballon et place un tir à ras de terre qui laisse sans réaction Maurice Cottenet : le Stade Malherbe marque son deuxième but ! L’ambiance dans le stade est « électrique » selon le journal de Caen ; le public pousse et le Stade se créée plusieurs occasions franches dont un tir sur la barre de Delarette.
Mais c’est encore l’expérimenté Maës qui va débloquer la situation à la 82e minute. Sur un corner, il se joue du marquage de Dewaquez et place une superbe tête que Cottenet ne peut arrêter. Venoix exulte sur l’égalisation caennaise ! Mais la joie est de courte durée car moins de deux minutes après, Brière ne peut rien faire face à un tir de Dewaquez repris par Stutler. La fatigue se ressent dans les deux camps et l’arbitre siffle la fin de la partie sur la victoire parisienne.
Une victoire touchée du doigt, une rébellion alors que tout semblait perdu et pour finir une défaite rageante non dénuée de panache : il y a 90 ans, Malherbe était déjà Malherbe


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