Depuis la défaite face à Nice, qui a elle-même succédé aux revers contre Lille, Rennes, Paris, Marseille, Nantes, Guingamp (etc, etc, etc.), cela n’en finit pas. Les pénos, les fautes imaginaires, les boulettes, les buts encaissés dans les dernières minutes : une vaste déprime collective s’est emparée du peuple Rouge et Bleu. Malherbe ne changera donc jamais ? Sa « lose romantique », alliant beau jeu et maigres résultats, serait donc une pathologie définitive, inscrite dans son code génétique ?
Pour mettre fin à cette psychose naissante ou l’amplifier de façon irrémédiable, il nous semblait important, au Malherbe Café, média sérieux s’il en est, de tirer tout cela au clair. Malherbe est-il véritablement plus « con » que la moyenne de ses congénères de Ligue 1 ? Cette « lose » ressentie serait-elle le fruit de notre aveuglement de supporter pendant que d’autres équipes de bas de tableau feraient également subir le même sort à leur public ? Si oui, nous accompagne-t-elle vraiment depuis toujours ?
Pour mesurer le taux de « lose » du Stade Malherbe, nous avons sorti les grands moyens. Nous nous sommes attachés à construire un protocole scientifique à faire pâlir les plus sérieuses revues américaines. Devant l’importance d’un tel sujet, il va de soi que les résultats se doivent d’être incontestables sur le plan académique. Nous avons en effet pleinement conscience des multiples réactions et polémiques mondiales qui accompagneront l’énoncé de ces découvertes.
Alors, comment mesurer la « lose » malherbiste ?
C’est l’approche algorithmique que nous avons retenus. Précision importante envers ceux qui ne manqueront pas de nous poser la question : nulle intention de notre part, de vouloir minorer tout ce qu’auraient pu apporter la biosystémique, les mesures physiques, la biologie moléculaire, ou les tout aussi respectables physiques quantique ou nucléaire, à nos travaux appliqués. Le recours au psychique nous semblait tout autant superflu, alors qu’une discipline comme la psychanalyse est déjà régulièrement pratiquée, d’une main maîtresse, par notre Caencaneuse. Il aurait été bien malheureux de la part du Malherbe Café de tomber dans la psychologie… de comptoir.
Soyons honnête, la construction d’un algorithme fait peur. Elle fait fuir le lecteur-supporter. Alors autant couper court dès à présent aux inquiétudes des littéraires : l’expérience que nous vous proposons est très facile. Vous pouvez tout à fait la reproduire chez vous. Elle nécessite des moyens techniques relativement accessibles : une calculatrice, essentiellement. Personnellement, nous vous conseillons la Casio FX-18, mais tout autre modèle, à piles alcalines ou à alimentation solaire, peut faire l’affaire.
Avant d’être mesurée, la prétendue « lose » malherbiste doit d’abord être définie scientifiquement. En d’autres termes, il s’agit d’établir un consensus international au sein de l’ensemble de la communauté des chercheurs autour de sa définition. On pourrait, par hypothèse, la caractériser ainsi : l’incapacité des joueurs caennais à inscrire des buts décisifs durant un match. En gros, Malherbe produit du jeu, marque des buts qui ne servent à rien, puisque la défaite triomphe à la fin. A l’inverse, d’autres équipes produisent peu de jeu, marquent peu de buts, mais s’en tirent à très bon compte au classement. Eh oui, la chance de cocu, elle aussi, peut se mesurer par un algorithme.
Pour le construire, il faut consulter une littérature scientifique abondante. La LFP, sorte de sonde rosetta qui compile les données du championnat, recense de façon officielle et indiscutable, les points, les buts, le tout classé, s’il vous plaît dans un ordre croissant. Dans le jargon populaire, on appelle aussi cela le classement de la Ligue 1.
En divisant le nombre de buts marqués par le nombre de points inscrits au classement, on obtient un taux. Ce taux indique le nombre de buts qu’un club « doit » marquer en moyenne pour inscrire un point en championnat. Plus une équipe est efficace, moins il lui faudra marquer de buts pour grimper au classement : c’est l’exemple parfait de la victoire par 1-0, a fortiori si le but inscrit l’a été sur la seule frappe cadrée du match ! A contrario, une défaite 3-4 montre toute l’inefficacité des buts marqués, illustrée par le résultat désespérant de zéro point inscrit en championnat.
Ne pensez pas que ces deux exemples soient le fruit de l’imagination d’un scientifique trop pédagogue, qui tenterait d’expliquer par l’absurde son protocole expérimental. Ces deux cas d’école existent vraiment en Ligue 1 cette année, ils s’appellent Caen et Saint Etienne :
Caen correspond au prototype de « la lose romantique » avec 21 buts marqués pour seulement 14 points obtenus en championnats : 21/14 = 1,5. Pour engranger ne serait-ce qu’un point en championnat, Malherbe doit inscrire en moyenne 1,5 buts.
Le club de Saint-Etienne, quant à lui, correspond au profil de « la chance du cocu » ou de l’efficacité maximale, avec 19 buts inscrits pour un total de 32 points engrangés : 19/32 = 0,59. Il ne lui faut donc qu’un demi but (0,59) en moyenne pour inscrire un point en Ligue 1. Cette équipe ne fait certes pas toujours le spectacle mais elle est diablement efficace ! Proches du demi but, nous retrouvons également Lille (0,61) et Nantes (0,63).
Les esprits les moins éclairés, les plus anti-sciences, prétendront volontiers qu’il est dans la réalité impossible d’inscrire sur un terrain de football des demi-buts : il ne sera pas compliqué de leur répondre que c’est déjà arrivé aux Nantais après une sortie mal au poing de Vercoutre. Que dire du pénalty lillois extirpé on ne sait comment dans les cinq dernières minutes sur une faute imaginaire d’Appiah ? Et toc !
En réalisant l’opération pour toutes les équipes de Ligue 1, on en arrive à la conclusion empirique suivante, à savoir que seuls deux clubs dépassent le taux fatidique d’un but pour un point : Toulouse (1,05) et Caen (1,5). Mais autant le dire, dans ce mini-championnat de l’efficacité, Malherbe sous-classe LARGEMENT ses concurrents :
12. Toulouse 21 pts => 1,05
13. Metz 19 pts => 0,84
14. Evian 18 pts => 0,95
15. Lille 18 pts => 0,61
16. Guingamp 18 pts => 1
17. Lorient 17 pts => 1
18. Lens 15 pts => 1
19. Caen 14 pts => 1,5
20. Bastia 14 pts => 0,93
Malherbe est donc bien l’équipe la plus inconséquente de Ligue 1 cette année, c’est désormais scientifiquement prouvé. Reste une question : est-ce une faiblesse momentanée ou la sensation vécue par le supporter caennais de revivre ces séries de matchs pénibles chaque saison est bien réelle ?
Si l’on ouvre le placard à archives de la Ligue 1, là encore, les résultats des pipettes sont sans appel possible. En 2011/2012, Malherbe termine 18e avec un taux de 1,03. Ses adversaires directs sont, cette saison-là, en-dessous du seuil : Brest (0,76), Ajaccio (0,98) et Lorient (0,90). Un an plus tôt, en 2010/2011, le SMC (1,0) finissait 15e mais surclassait déjà ses concurrents Nice (0,72) et Brest (0,78), respectivement 16e et 17e de Ligue 1, au championnat de l’inefficacité. Le même délire se poursuit dans les années antérieures, on vous épargne ce terrible égrainage.
Le Lab du Malherbe Café est donc formel : le SM Caen ne changera jamais. Il est biologiquement et culturellement programmé pour nous faire souffrir. Il suscite néanmoins chaque année de nouveaux comportements addictifs, que des programmes de sensibilisation, à destination des jeunes publics, pourraient permettre d’endiguer. Il en va de la santé mentale d’une majorité de la population caennaise. On vous aura prévenu.
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